À l’heure où s’ouvre, ce 27 octobre 2025 à Rome, le Jubilé du monde éducatif, une voix togolaise s’élève avec conviction. Celle de Maryse Adjo Mawutowou QUASHIE, pédagogue chevronnée et figure respectée de l’enseignement supérieur, qui interpelle les acteurs catholiques du monde éducatif africain : « L’Église peut contribuer à sortir les systèmes éducatifs africains du désastre où ils se trouvent. »
Dans cette tribune lucide et empreinte d’espérance, l’auteure retrace d’abord le rôle historique de l’Église dans la formation de l’homme et le développement des peuples. Des monastères médiévaux aux congrégations enseignantes modernes, la pensée éducative catholique a façonné des générations entières et défendu une vision humaniste de l’éducation, centrée sur la dignité de la personne et le bien commun.
« La véritable éducation, rappelle-t-elle, est de former la personne humaine dans la perspective de sa fin la plus haute. » (Concile Vatican II, Gravissimum Educationis)
Un constat sans détour sur l’école africaine
Maryse Quashie n’élude pas les réalités. Elle dresse un diagnostic sans complaisance du système éducatif africain : taux d’exclusion élevés, rendement faible, manque d’enseignants qualifiés et inégalités persistantes.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près de 57 millions d’enfants non scolarisés en Afrique de l’Ouest et du Centre, et 87 % des élèves de 10 ans incapables de lire un texte simple.
Pour la spécialiste togolaise, le drame éducatif africain est aussi un drame de sens. « L’école, dit-elle, ne parvient plus à former l’homme dans toutes ses dimensions : intellectuelle, professionnelle et spirituelle. »
L’Église, une voie d’espérance
Face à ce constat, Maryse Quashie place l’Église au cœur d’une refondation éducative possible. Parce qu’elle porte une vision où les plus pauvres sont au centre, parce qu’elle prône une éducation intégrale et libératrice, l’Église peut – selon elle – impulser un changement réel.
Elle invite les institutions catholiques à rompre avec la dépendance aux subventions publiques, à innover, et à proposer des dispositifs pédagogiques enracinés dans les valeurs africaines, notamment la solidarité et la communauté.
Elle croit fermement que l’enseignement confessionnel, par sa liberté et sa vocation universelle, est capable de bâtir une éducation de qualité et équitable.
Reconnaître les ombres pour mieux rayonner
L’auteure n’ignore pas les zones d’ombre de l’histoire éducative catholique.
Elle évoque sans détour les abus et les dérives du passé, les châtiments corporels ou les cas de maltraitance, tout en appelant à la repentance et à la reconstruction. « Les éducateurs catholiques sont des vases de terre, dit-elle, mais porteurs de la lumière de Dieu. »
Cette lumière, ajoute-t-elle, doit aujourd’hui guider l’Église vers une mission éducative renouvelée, à la fois exigeante, compatissante et profondément humaine.
Vers une pédagogie de la relation et de la fraternité
Au-delà des programmes et des infrastructures, Maryse Quashie rêve d’une école catholique africaine qui soit un lieu de vie, d’écoute et de construction commune, inspirée du concept d’Église-famille de Dieu.
Elle propose une pédagogie fondée sur la relation, où chaque enfant peut dire : « Je suis unique, mais je ne deviens moi que par l’autre. »
Un appel vibrant à Rome et à l’Afrique
Depuis Lomé, Maryse Adjo Mawutowou Quashie adresse donc un message clair aux délégués africains du Jubilé de Rome :
faire de cette année jubilaire le point de départ d’une nouvelle la civilisation éducative, portée non pas par la seule technique, mais par la foi, la fraternité et la dignité humaine.
« Nous pourrons créer non seulement des lieux d’enseignement, mais des espaces où se vivra ensemble une nouvelle manière d’être au monde. Ce projet, en définitive, ne nous appartient pas, mais au Christ éducateur. »
La rédaction






