Par Les Amis de la Terre-Togo
Genève, capitale mondiale de la lutte contre la pollution plastique. Du 5 au 14 août 2025, les délégations de plus de 170 pays se retrouvent au Palais des Nations pour la deuxième partie de la cinquième session du Comité intergouvernemental de négociation (INC-5.2). Objectif : conclure un traité mondial juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique à l’échelle planétaire. Pour les peuples, la planète et les générations futures, c’est un moment décisif.
Une crise planétaire sans précédent
La pollution plastique est aujourd’hui une menace pour les écosystèmes, la biodiversité, la santé humaine et la justice environnementale. Les microplastiques ont été détectés dans le sang, les poumons, le lait maternel. Les océans, rivières, sols et aliments sont contaminés. Plus de 430 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, et seule une fraction est recyclée.
Face à ce constat alarmant, l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (UNEA-5) a lancé en 2022 le processus de négociation d’un instrument international juridiquement contraignant. L’ultime session de ce processus a commencé en novembre 2024 à Busan (INC-5.1) et s’achève à Genève avec une forte pression politique, économique et sociale.
À Genève : un accord… ou une occasion manquée ?
L’enjeu de l’INC-5.2 est clair : adopter un traité réellement contraignant, ambitieux, et global, capable de s’attaquer à toutes les étapes du cycle de vie du plastique – de la production à l’élimination – et non simplement aux déchets.
Cependant, les négociations sont tendues. Deux visions s’affrontent :
Une approche ambitieuse, défendue par la Coalition pour une haute ambition (Rwanda, Norvège, UE, pays insulaires, etc.), qui prône la réduction de la production de plastique vierge, l’interdiction des substances chimiques dangereuses, la fin des plastiques à usage unique, et des obligations juridiquement contraignantes communes.
Une approche plus faible et volontaire, soutenue par des pays producteurs de pétrole et de plastiques (États-Unis, Arabie Saoudite, Chine…), qui privilégient la gestion des déchets, le recyclage et la responsabilité nationale, sans engagements contraignants sur la production.
Les ONG montent au front : la voix des peuples face aux pollueurs
La société civile internationale est massivement présente à Genève pour faire pression sur les gouvernements et empêcher un traité « au rabais » dicté par les intérêts industriels.
Les Amis de la Terre International (Friends of the Earth International), réseau mondial regroupant plus de 70 organisations nationales, est en première ligne. Leur position est sans ambiguïté :
« Il ne suffit pas de recycler. Il faut réduire à la source. La crise plastique est aussi une crise du pétrole, de la surproduction, et de l’impunité des multinationales. Nous avons besoin d’un traité contraignant avec des mécanismes de suivi, de transparence, de justice sociale et de réparation pour les communautés affectées », affirme Sara Shaw, coordinatrice du programme Justice climatique et énergie à Les Amis de la Terre International.
Les Amis de la Terre International, comme d’autres ONG (Break Free From Plastic, Greenpeace, GAIA, CIEL…), défendent les principes suivants :
Réduction progressive de la production de plastique vierge ;
Interdiction des produits plastiques problématiques (usage unique, emballages non essentiels) ;
Élimination des produits chimiques toxiques dans les plastiques ;
Responsabilité élargie des producteurs (REP) pour couvrir les coûts environnementaux et sanitaires ;
Protection des droits humains et des communautés touchées, notamment dans les pays du Sud ;
Participation pleine des peuples autochtones, femmes, jeunes et ramasseurs de déchets dans les décisions ;
Création d’un mécanisme de mise en œuvre contraignant et financé.
La voix de l’Afrique, entre espoir et vigilance
Les pays africains, bien que diversement alignés, expriment une préoccupation croissante. Continent le moins pollueur mais le plus touché, l’Afrique exige un traité qui protège ses populations de la transformation du continent en décharge mondiale et qui garantisse des financements pour la transition vers des alternatives durables.
Des organisations africaines comme Les Amis de la Terre-Togo seront présentes à Genève pour défendre les droits des communautés, alerter sur l’invasion des plastiques et dénoncer les fausses solutions imposées par l’industrie.
Le compte à rebours est lancé
À quelques jours de la fin de la session, la pression est maximale. L’échec d’un accord fort serait perçu comme une trahison des engagements pris à Nairobi en 2022.
En revanche, un traité ambitieux pourrait marquer un tournant historique pour la gouvernance environnementale mondiale, comparable à l’Accord de Paris pour le climat ou au Protocole de Montréal pour l’ozone.La planète étouffe sous le plastique. À Genève, les États ont entre leurs mains une responsabilité immense : agir pour l’intérêt des peuples, et non pour celui des pollueurs.