Les 7, 8 et 9 juillet 2025, le Centre international de conférences de Sipopo à Malabo, en Guinée équatoriale, a accueilli le Forum civil du Conseil économique, social et culturel de l’Union africaine (ECOSOCC) et le Dialogue interrégional des organisations de la société civile (OSC) 2025.
Les conclusions du forum figureront dans le communiqué final de la 47ᵉ session ordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine, qui se tiendra sous le thème de l’année : « Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par la réparation », du 11 au 13 juillet 2025.
Le rôle de la société civile dans un avenir fondé sur la justice réparatrice
Le panel « Le rôle de la société civile dans un avenir fondé sur la justice réparatrice » a réuni plus de 200 participants et a constitué l’un des temps forts du forum. Les discussions, tant en séance plénière qu’en coulisses, ont porté sur les mécanismes possibles de réparation des préjudices causés aux pays africains par les anciennes puissances coloniales.

Modèles de calcul des réparations
- Modèle basé sur le travail non rémunéré : L’économiste Thomas Kramer a estimé la valeur économique du travail forcé aux États-Unis à plus de 14 000 milliards de dollars. Appliqué à la traite transatlantique, si 12,5 millions d’Africains ont travaillé 10 ans sans salaire, avec un revenu historique estimé à 5 dollars par jour, cela représenterait plus de 2 000 milliards de dollars, sans compter les intérêts et l’effet cumulatif.
- Modèle basé sur l’exploitation des ressources : Entre 1880 et 1960, les puissances européennes ont extrait des milliards de dollars en produits agricoles, minerais et taxes. Par exemple, la Grande-Bretagne aurait drainé de l’Inde l’équivalent de plus de 100 milliards de livres. Pour l’Afrique, ces spoliations sont estimées entre 4 000 et 6 000 milliards de dollars, incluant les revenus non redistribués, le travail forcé et le sous-investissement chronique.
Un Fonds mondial pour les réparations ?
Les participants ont évoqué la création d’un Fonds mondial des réparations, financé par :
- Les contributions des anciennes puissances coloniales ;
- Une taxe sur les superprofits des entreprises ayant bénéficié de l’exploitation coloniale ;
- Des prélèvements climatiques sur les pollueurs du Nord global.
L’apport intellectuel : le livre de Kwesi Pratt Jr.
Kwesi Pratt Jr., membre du Front progressiste panafricain et directeur de Pan African Television, a présenté son ouvrage « Histoire, lutte, politique et droit à réparation », publié en juin 2025 avec une préface du président ghanéen John Dramani Mahama. Ce livre explore le mouvement réparateur sous ses dimensions historiques, politiques et juridiques.
« Aucune somme ne peut compenser les millions de vies perdues dans la traite transatlantique. Les réparations concernent la restauration de notre monde », a déclaré Pratt. Son analyse couvre les Congrès panafricains, les initiatives actuelles comme celles de la CARICOM, et propose des stratégies pour mobiliser la société civile.
Perspectives institutionnelles et éducatives
- Dr. Catherine Brooks (PNUD/AFSA) a souligné que les transitions post-conflit offrent une opportunité de redéfinir les contrats sociaux.
- Amb. Amr Aljowaily (CIDO-UA) a rappelé le mandat de l’UA en faveur de la justice réparatrice, insistant sur le partenariat avec la CARICOM.
- Makmid Kamara (Reform Initiatives) a plaidé pour une éducation réparatrice remplaçant les simples cours sur les droits humains : « La justice réparatrice n’est pas une charité, mais un droit. Nous devons reconnecter le continent à sa diaspora et restituer les terres spoliées. »
Ce forum marque une étape cruciale vers une Afrique réparée, où la société civile joue un rôle central dans la quête de justice historique.