Alors que la demande en électricité explose au Togo sous l’effet de l’urbanisation rapide, de la croissance économique et de l’électrification rurale, le pays fait face à une équation énergétique de plus en plus difficile à résoudre. Entre ambitions affichées, dépendances régionales et déséquilibres financiers, le secteur électrique togolais est aujourd’hui sous forte pression.
Depuis plus d’une décennie, l’approvisionnement en électricité repose sur un double levier : l’importation auprès du Ghana et du Nigeria d’une part, et la production locale, encore fortement dépendante des combustibles fossiles, d’autre part. Une configuration qui expose le Togo aux aléas géopolitiques et aux fluctuations des prix de l’énergie sur les marchés internationaux.
Face à cette réalité, l’État togolais s’est engagé dans une politique volontariste : diversification des sources via les centrales solaires de Blitta, Dapaong et Sokodé, mise en service de la centrale thermique à gaz de Kekeli, modernisation du réseau et électrification des zones rurales. Objectif : atteindre la souveraineté énergétique et l’accès universel à l’électricité d’ici 2030.
Mais ces efforts se heurtent à un paradoxe de taille : le maintien, depuis 2010, d’un tarif de vente figé à 102 FCFA/kWh, alors que les coûts de production et d’importation ne cessent d’augmenter. Cette politique tarifaire, certes socialement bénéfique à court terme, fragilise économiquement tout l’écosystème énergétique.
En 2023, le choc a été brutal. La crise énergétique régionale, marquée par une pénurie de gaz, a mis en lumière la vulnérabilité du modèle actuel. Pour éviter le black-out, l’État a dû injecter en urgence 31 milliards de FCFA pour garantir la continuité du service. Une bouffée d’oxygène temporaire, mais non durable.
À l’heure où le Togo ambitionne une transition énergétique exemplaire, la question se pose : peut-on continuer à concilier équité sociale, attractivité tarifaire et viabilité économique ? La réussite de cette transformation dépendra de choix courageux, de réformes profondes et d’une transparence accrue dans la gouvernance du secteur.
Le cap est fixé pour 2030, mais le chemin reste semé d’embûches. Le pari de l’indépendance énergétique se jouera autant dans les kilowatts que dans les arbitrages politiques.
Editorial staff