C’est un moment historique qu’a accueilli la capitale togolaise ce 12 mai. La première Conférence de l’Union Africaine consacrée à la dette publique s’est ouverte à Lomé sur une note à la fois solennelle et combative, marquée par un discours visionnaire du Président du Conseil de la République Togolaise, Faure Essozimna Gnassingbé.
Dans une intervention dense et structurée, le chef de l’État togolais a appelé l’Afrique à « changer de paradigme » en matière de dette, en dénonçant les logiques internationales actuelles, qu’il juge inadaptées, contraignantes et profondément déséquilibrées. « La dette en Afrique est une crise silencieuse, mais structurelle », a-t-il martelé, soulignant que plus de vingt pays africains sont aujourd’hui en situation de détresse ou à haut risque d’endettement, alors même que leurs besoins en matière de développement sont « immenses, urgents et légitimes ».
Une doctrine africaine sur la dette : entre lucidité et ambition
Rejetant les approches classiques de la viabilité budgétaire, Faure Gnassingbé a défendu la nécessité d’élaborer une doctrine africaine de la dette, fondée sur des critères adaptés aux réalités du continent : rentabilité sociale, résilience climatique, stabilisation régionale, et potentiel de croissance à long terme.
Il a dénoncé la « camisole budgétaire » imposée par des méthodologies obsolètes des institutions financières internationales, qui « créent des spirales d’ajustements permanents et d’austérité préventive ». Le président togolais a ainsi appelé à un partenariat renouvelé avec ces institutions, basé non sur la défiance mais sur la confiance mutuelle.
« Financer la paix, c’est financer l’avenir »
Autre point fort de son discours : le lien entre dette et sécurité. « Une dette est-elle soutenable si elle empêche un État d’investir dans la sécurité de ses citoyens ? », a-t-il interrogé. Face aux défis sécuritaires croissants – terrorisme, instabilité régionale, menaces transfrontalières –, le chef d’État a plaidé pour la reconnaissance de certaines dépenses sécuritaires comme des biens publics globaux, méritant des financements stratégiques.
Dans un contexte de repli de l’aide internationale, illustré notamment par le retrait américain du Fonds africain de développement, Faure Gnassingbé a mis en garde contre les conséquences géopolitiques d’un sous-financement chronique de l’Afrique : « Financer aujourd’hui l’adaptation en Afrique, c’est éviter demain l’explosion des migrations, des crises alimentaires et des conflits climatiques. »
Une voix africaine unifiée pour peser dans l’ordre mondial
Au-delà du diagnostic, le Président togolais a exhorté ses homologues africains à s’unir autour d’une doctrine commune et ambitieuse. « L’Afrique a un problème de dette, mais surtout un problème de coordination », a-t-il affirmé, prônant la création d’institutions régionales fortes, la coordination macroéconomique et une expression collective sur la scène internationale.
« L’Afrique n’est pas en quête d’assistance, mais de marges de manœuvre », a-t-il conclu, appelant à faire de la Conférence de Lomé « un tournant » vers la souveraineté budgétaire, la transformation économique et la justice internationale.
Avec ce discours fort, le Togo, pays hôte, entend faire de cette première conférence un jalon décisif vers un nouveau contrat économique entre l’Afrique et le monde. Lomé devient, l’espace d’un sommet, la capitale politique d’un réveil africain autour d’un sujet longtemps confisqué : la dette comme levier, et non comme fardeau.
Der Verteidiger
German 
French 
English 
Spanish 